Il est 6h40, comme souvent la journée commence à côté du petit bois d’épineux ; en me retournant j’ai pu juger de l’imminence de la journée qui s’annonce, pour l’instant le soleil n’est qu’une pépite qui écorne le flanc du volcan Lemagurut, mais je sais que dans un instant une lumière de métal en fusion va déborder de ce creuset naturel pour se déverser dans la plaine sans fin, couchant les ombres, donnant son relief aux premières scènes de vie de la plaine du Serengeti.
L’oeil rivé à mes jumelles, balayant la plaine infinie, je découvre l’entrée en scène des acteurs de ce théâtre vivant qui vont rejouer pour moi, dans une représentation unique et inédite, le jeu millénaire et fascinant de la vie et de la mort.
Dans la valse des destins qui s’accomplissent, rien n’est jamais garanti ; jusqu’à la dernière seconde l’espoir côtoie l’improbable, et à peine ces instants dramatiques sont-ils consommés que leur trace n’existe plus que dans nos mémoires.
Ailleurs, des foules immenses se pressent, et ce matin je serai l’unique témoin des expressions variées de cette vie qui foisonne. Mais à quelle urgence, à quelle impérieuse nécessité, à quel système l’homme a-t-il pu vendre son temps et peut-être son âme, pour que ce monde lui soit devenu à jamais étranger ?